Il est relativement facile de comprendre que,
pour toute denrée "cuisinée" non utilisée et/ou consommée chaude et sans délai, il faille, dans l'optique d'une utilisation future, la refroidir. Il reste cependant à en appréhender la réalité
concrète. Jusqu'à une période récente, les éléments de réponse étaient précis et connus. La "nouvelle réglementation" laisse à la fois les acteurs libres de leur manière de faire, mais insiste
sur la nécessité absolue de ne pas négliger les dangers et risques liés au refroidissement des denrées et le maintien de la chaîne du froid.
Principes de base
La réfrigération consiste à abaisser la température d'un aliment à des valeurs légèrement supérieures à son point de congélation. L'intérêt de l'abaissement de la température réside dans
l'inhibition du développement des germes thermophiles et mésophiles dont la plupart sont des micro-organismes pathogènes. Le refroidissement n'a d'efficacité qu'à l'obtention d'une température
comprise entre 0 °C et 4 °C. A partir de 10 °C, l'évolution de la flore n'est que ralentie. Il est donc nécessaire de refroidir "rapidement" jusqu'à cette température lorsque l'on traite des
préparations culinaires. La réfrigération n'empêche pas le développement de certaines espèces psychrotrophes ou cryophiles. Certains sont responsables d'altération comme Pseudomonas. D'autres
sont pathogènes : Listéria monocytogenes, Yersinia entérolotica, Clostridium botulinum type E (dit "pisciaire"). Ce qui explique que "empiriquement et traditionnellement", nous conservons le
poisson sur glace fondante. Le nombre de toxi-infections alimentaires pour lesquelles ces bactéries sont mises en cause est croissant depuis la généralisation de la pratique de la réfrigération.
Un bon refroidissement doit être suivi d'un maintien en température continu, protégé et limité dans le temps.
Il est donc impératif d'avoir d'excellentes pratiques d'hygiène.
Ce que nous dit la réglementation
"L'ancienne approche réglementaire" préconisait un refroidissement selon le couple temps/température suivant : Passage de + 65°C à + 10°C à coeur en moins de 2 heures.
Des textes, plus récents, ont apporté des modifications qui ont notifié :Passage d'une température de + 63°C à + 10°C, en moins de 2 heures.
La réglementation actuelle recommande toujours le respect de ces températures et délais sauf si une analyse des risques permet de valider un autre barème. Cette possibilité tient compte
à la fois de la mise en responsabilité du cuisinier mais aussi permet de faire face à des situations qui ne sont pas faciles à gérer.
Cas particuliers, mais bien réels
Les cas évoqués ci-dessous ne sont en aucun cas l'occasion de ne pas être attentifs aux recommandations des hygiénistes via la réglementation, bien au contraire.
- Le volume et/ou la masse du produit ne se prêtent pas toujours aux recommandations initiales
Un gigot par exemple, cuit traditionnellement, offre une masse à refroidir conséquente. Ce qui oblige à l'exposition d'un froid intense, parfois préjudiciable à la fois d'un point de vue
organoleptique et pas très réaliste du point de vue de la chute de température interne. En effet, refroidir intensément en surface, provoque un effet "igloo" qui limite la progression du froid au
coeur du produit. Par ailleurs, une cuisson traditionnelle réussie, qui conserve sa jutosité, est arrêtée avant que l'on obtienne les 63 °C à coeur. Il est difficile de savoir à partir de quel
moment il faut décompter les 2 heures. Ceci est particulièrement vrai lorsque l'on traite les viandes saignantes.
- Certaines cuissons (notamment les produits "saignants") n'atteignent pas les 63°C à coeur
Un magret de canard, un filet de boeuf ne peuvent atteindre les 63°C à coeur sans quelques inconvénients du point de vue organoleptique. Afin de maîtriser les risques sanitaires, il est
recommandé de chercher, dans l'hypothèse d'un refroidissement et maintien en température positive, une cuisson "rosée" plutôt que "saignante". Dans ce cas de figure, il faut atteindre au minimum
56, voire 58°C à coeur. Dans toutes les circonstances, il faut considérer qu'une température de 54°C et en-dessous ne permet pas d'affirmer que le produit a été cuit. En effet, cuire a pour but
de changer le goût et la texture, mais aussi de faire baisser la charge microbienne potentielle. La température (théorique) à laquelle il y a un début d'atteinte à la forme végétative des
bactéries est de 52°C.
- Que les "nouvelles cuissons" intègrent comme paramètres des temps de cuisson longs
On entend par nouvelle cuisson, le recours à " la basse température" et à "la cuisson sous vide". Une avancée majeure a été d'intégrer dans le processus de cuisson le fait de retenir des
températures qui permettent de conserver l'eau de constitution des viandes notamment. Conséquences financières mais aussi organoleptiques pour une meilleure mastication, déglutition, par
exemples. Pour cela, ne pas dépasser les 68°C. La conséquence est l'augmentation de la durée d'exposition à la chaleur pour obtenir le même effet que la cuisson traditionnelle. Le produit subit
donc une température supérieure à 54 – 56°C pendant un laps de temps conséquent. Cet état de fait permet de poser les bases d'une approche de calcul de valeur pasteurisatrice et de contribuer à
poser les bases de la durée de vie du produit. Les travaux de Bruno Goussault (CREA à Paris) notamment, la référence en matière de cuisson "à juste température", ont fait avancer considérablement
les pratiques en les sécurisant. Face à une "juste température" nous préconisons qu'il y ait un "juste refroidissement". Cliquez ici pour aller sur le Blog de Bruno Goussault.
Plaidoyer et conditions pour un "juste refroidissement"
Sauf cas particuliers évoqués plus haut, il faut respecter le couple temps-température initial, ce qui ne permet pas pour autant de baisser la garde sur le fait de faire attention aux
manipulations en amont et en aval du refroidissement.
A défaut et en complément de l'outil HACCP, on peut se référer au Guide de Bonnes Pratiques d'Hygiène. Les GBPH et de mise enapplication du système HACCP existent pour les métiers de
bouche. Il est regrettable que ce type de guide "nouvelle formule" ne soit pas encore d'actualité pour la restauration commerciale. Les guides insistent notamment (point clé n°11 :
Refroidissement) sur le fait "qu'un bon refroidissement tient surtout à la bonne circulation du froid. Ne pas surcharger les enceintes. Ne pas bloquer les couloirs de ventilation. Laisser des
espaces entre les produits. S'assurer régulièrement du bon fonctionnement des enceintes. Entretenir scrupuleusement les appareils. Utiliser du matériel et des ustensiles propres. Veiller à
l'hygiène des manipulations…".
Il est loisible de mener une analyse type HACCP. Le législateur a intégré la difficulté pour un restaurateur de réaliser cette démarche. Il a inclus cependant la notion de "flexibilité" destinée
aux inspecteurs de la DDPP. On ne peut pas avoir le même niveau d'exigence pour un industriel de l'agroalimentaire que pour un acteur de la restauration commerciale. Notamment au niveau exigences
documentaires.
En pratique
Le juste refroidissement consiste à laisser reposer le produit cuit (l'expression "laisser tirer" a été utilisée et a encore des adeptes en cuisine) à température ambiante et en portant attention
aux contaminations potentielles.
Refroidir en un deuxième temps en cellule de refroidissement mais sans couvrir ou filmer. En effet l'air (chaud !) va être emprisonné et en interface entre le produit et la source de froid. Et
l'air est un très mauvais conducteur de température (c'est la raison du double vitrage qui permet dans une maison d'isoler extérieur et intérieur). A noter qu'un produit sous vide aura intérêt à
subir ce pré-refroidissement dans l'eau courante d'abord, glacée ensuite (l'eau est un excellent conducteur de température). Dans tous les cas de figure où l'on ne respecte pas le couple
temps-température préconisé par la réglementation, il faudra se prononcer sur l'opportunité de qualifier le refroidissement par un CCP (point critique pour la maîtrise) ou un PRPo (Pré-requis
opérationnel). La flexibilité (évoquée plus haut) permet de considérer que "la maîtrise de la chaîne du froid est une BPH (= pré-requis) pour lequel les principes 6 et 7 de l'HACCP sont
obligatoires". Voir page 10 sur 43 de la Note de service DGAL/SDSSA/N2012 - 8156 en date du 24 juillet 2012 (voir ci-dessous).
Le refroidissement ayant été effectué, le produit sera conditionné pour pouvoir être conservé.
La chaîne du froid
Le maintien au froid continu est nécessaire. Il est extrêmement préjudiciable qu'il y ait des variations de température. N'oublions pas que le froid inhibe mais ne tue pas. La durée de vie du
produit en l'état (conservation au froid positif) est sous la responsabilité du professionnel. Les températures de stockage et maintien au froid sont à consulter dans "l'arrêté du 21 décembre
2009 relatif aux règles sanitaires applicables aux activités de commerce de détail, d'entreposage et de transport de produits d'origine animale et denrées alimentaires en contenant (JORF du
31/12/2009)" (voir ci-dessous). Ces différents points sont abordés et précisés dans le Guide de Bonnes pratiques d'Hygiène restauration : Point clé n°7 : Maîtrise du froid. On y relève la
nécessité de :
- Maintenir les installations de froid en bon état de fonctionnement
- Contrôler la température des installations de froid.
Refroidissement et maintien au froid nécessitent de faire preuve de professionnalisme tant du point de vue organoleptique que du point de vue sanitaire. C'est cet état d'esprit qui a animé le
législateur lorsqu'il oblige à un minimum de connaissances en matière d'hygiène des aliments